Les femmes trop seules face à la ménopause Articles médicaux déc. 21 2010 [Article paru sur Semper du novembre 2010.] Une enquête récente menée en Belgique (voir encadré) a montré qu’un tiers des femmes présentant les premiers symptômes de la ménopause font elles-mêmes leur diagnostic. En moyenne, il faut compter pas moins de 8 mois entre les premiers symptômes et l'établissement du diagnostic définitif par le médecin. La conclusion est donc que le début de la ménopause n'est pas suffisamment pris en considération, et ce malgré les conséquences physiques, psychiques et relationnelles considérables pour la femme, que ce soit à court terme (bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, fatigues et irritabilité...) ou à long terme (maladies cardio-vasculaires, ostéoporose et mortalité). Buzz médiatique néfaste Pour les spécialistes de la ménopause, ce sont là les conséquences du buzz médiatique négatif qui a couru en 2002 après la publication de l’étude WHI. Comme le soulignait récemment le Pr Depypere (Université de Gand) : « On était arrivé à la conclusion que lorsque l’on commençait à donner des hormones à des femmes de 63 ans, sans symptômes, ces hormones ne procuraient aucun avantage. Cependant, si à l’époque, on avait analysé avec davantage de discernement les données scientifiques, on aurait pu constater que les femmes de 50 à 60 ans, elles, retiraient bien un bénéfice du traitement hormonal. De plus, dès 2004 des études confirmaient à nouveau les effets cardio-vasculaires bénéfiques des œstrogènes. Enfin, en 2007 on a bien montré qu’un traitement hormonal instauré entre 50 et 60 ans permet de réduire la mortalité de 30%, ce qui est conforme à toutes les études dont nous disposions. Mais personne n’en a parlé ! » Prévention primaire La question essentielle est : le traitement hormonal substitutif a-t-il une action préventive sur le risque cardio-vasculaire, le cancer du côlon ou l’ostéoporose, qui sont les indications préventives les plus importantes ? Dr Ginter : « Au niveau de l’ostéoporose, les choses sont claires, et le traitement hormonal est le seul traitement ayant fait ses preuves en prévention primaire. Toutes les autres approches visent la prévention secondaire, chez des femmes qui ont déjà des problèmes d’ostéoporose. Un débat subsiste quant aux doses à administrer pour assurer cette prévention primaire. Aujourd’hui, on considère que des doses plus faibles – 1 mg d’œstradiol par jour, voire moins – peuvent être efficaces au niveau de l’os. Pour le cancer du côlon, il est trop tôt pour se prononcer sur les doses optimales, mais l’étude WHI a toutefois clairement montré une diminution de l’incidence du cancer du côlon. » « Mais au-delà de ces effets sur l’ostéoporose et le risque de cancer du côlon, c’est avant tout le bénéfice cardiovasculaire qui doit être souligné. A l’échelle de la société, c’est là que l’impact favorable du traitement hormonal substitutif est impressionnant. Car lorsqu’il s’agit d’un risque aussi majeur que le risque cardio-vasculaire, même un effet préventif limité se traduit par des bénéfices majeurs, en qualité de vie et en vies gagnées. » Situation à Luxembourg L’enquête menée en Belgique conclut que seule une femme sur cinq, à la ménopause, se voit proposer un traitement hormonal substitutif. Les chiffres sont-ils comparables au Luxembourg ? Dr Ginger : « Je pense qu’effectivement, au Grand-Duché aussi, la plupart des femmes ménopausées ne sont pas traitées, même si les chiffres sont peut-être quelque peu meilleurs qu’en Belgique. Ce point a d’ailleurs été montré récemment par une thèse de médecine générale qu’une doctorante a consacrée à la ménopause. Fait intéressant : dans le cadre de cette thèse, la consœur a réalisé une enquête au sein de la profession. Les résultats ont montré que les gynécologues traitent davantage la ménopause que les médecins généralistes. C’est également le cas pour les rhumatologues. Chiffre interpellant : selon cette enquête, 100 pour-cent des femmes gynécologues, à Luxembourg, sont par ailleurs prêtes à prendre elles-mêmes un traitement hormonal substitutif. On peut dès lors tout de même s’interroger face au faible taux de traitement. » Penser au diagnostic Les explications sont multiples. D’abord, seule une femme sur trois présente des troubles climatériques très marqués, tandis qu’un tiers présentent des troubles dits modérés. « Cependant, note le Dr Ginter, derrière des patientes qui ne présentent apparemment aucun trouble, il suffit parfois de poser les bonnes questions pour établir un diagnostic de carence hormonale, et il faut y penser face à une dépression ou à de la fatigue, par exemple. De même, les arthralgies sont un signe classique, et souvent méconnu, de déficience œstrogénique. On voit effectivement des femmes traitées par antidépresseurs et anti-inflammatoires, alors qu’elles devraient bénéficier d’un traitement hormonal… » Il reste donc clairement de la place pour une meilleure information des femmes et du corps médical. Chiffres étonnants 8 mois s’écoulent en moyenne entre les premiers symptômes de la ménopause et l’établissement d’un diagnostic médical 1/3 des femmes font elles-mêmes le diagnostic de péri-ménopause (la période qui précède la ménopause) 83% des femmes ménopausées ne suivent aucun traitement Source : enquête menée par le bureau d’études InSites Consulting auprès de 400 femmes âgées de 38 à 58 ans.